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Les quatre facettes de la crise écologique

Année de la biodiversité, fiasco de la conférence de Copenhague, l’écologie n’a jamais été autant sur le devant de la scène médiatique. Pourtant, les enjeux n’apparaissent pas toujours clairement pour les citoyens. Plus grave on jamais objectivement été aussi éloignée d’une solution à cette crise globale. Dans une série de cours articles, je vais essayer de parcourir ce sombre tableau en envisageant les dimensions scientifiques, politiques et anthropologiques.

 

Acte 1 : C’est une crise globale qui ne peut se résumer à la crise climatique.

 

Je donne quelques éléments pour battre en brèche le discours de ceux qui nient la réalité de la crise écologique.

 

  1. Rapidité, irréversibilité, globalité

 

Le point de départ est que la crise écologique est bien réelle. Nous ne sommes pas à un petit soubresaut technique dans la relation entre l’homme et l’environnement. L’homme a bien évidemment depuis l’invention de l’agriculture transformer durablement les paysages. La nouveauté depuis la révolution industrielle est que les changements induits par l’homme sont rapides, irréversibles et globaux.

 

La rapidité est clairement mise en lumière par l’augmentation des gaz à effet de serre. En effet, depuis 1850, la concentration en gaz carbonique a augmenté de 40% et celle de méthane a été multipliée par 25. Les concentrations atteintes en dioxyde de carbone ou en méthane excèdent très largement les gammes de variations naturelles des 650 000 dernières années. Mais cette vitesse s’observe aussi sur le taux d’extinction des espèces qui est 1000 fois supérieur que ce qu’a connu l’évolution des espèces dans le passée de la terre.

 

Le caractère global des ces changements est aussi évident en ce qui concerne le climat, mais il est tout aussi réel pour la biodiversité. Entre 20 et 50% des surfaces naturelles ont été depuis 1950 convertis en zone utilisée par l’homme, tous les biomes et toutes les régions sont touchés : déforestation dans le sud est asiatique, désertification en Afrique, mais aussi excroissance du béton méditerranée… 

 

Enfin, les scientifiques commencent à pointer l’existence de seuils d’irréversibilité au dessus desquels un retour en arrière n’est plus possible. Le prochain rapport de l’IPCC sera orienté sur ces questions : partir des seuils de non réversibilité et voir quels niveaux d’émission sont acceptables.

 

Cette crise écologique comporte au moins quatre volets fondamentaux : les changements climatiques, la crise des ressources naturelles, l’extinction des espèces et la pollution globale.

 

La crise climatique due à l’effet de serre est le premier élément de la crise écologique, c’est aussi le plus médiatisé en ce moment. La transformation climatique déjà observée et à venir est à 93% dus aux activités de l’homme et à l’effet de serre. Le principe de l’effet de serre est simple, il est connu depuis 1824. La terre produit une énergie thermique fonction de sa température de surface. Or certains gaz absorbent ce rayonnement et le rediffuse dans l’atmosphère en la réchauffant (Tyndall en 1860). C’est le même principe que dans une voiture l’été ou dans une serre, sauf que la vitre est ici remplacée par des gaz aux propriétés bien particuliers : ce sont les gaz à effets de serre. Le CO2 est le plus important de ces gaz, même s’il ne représente que 0.4% de la composition de l’atmosphère, sans lui la température serait de -19°C. L’effet de serre est un mécanisme naturel mais qui a explosé avec la révolution industrielle due à la combustion massive de carbones fossiles (charbon, pétrole), qui entraîne une augmentation de ces gaz, et par là une augmentation de la température. En effet, depuis 1850, la concentration en gaz carbonique a augmenté de 40% et celle de méthane de a été multiplié par 25. Les concentrations en dioxyde de carbone ou en méthane excèdent très largement les variations naturelles des 650 000 dernières années. Le climat a déjà changé. Nous observons une augmentation sensible des températures : 11 des 12 dernières années sont les plus chaudes jamais enregistrées depuis 1850, la température globale a augmenté en moyenne de 0.74°C depuis 100 ans. Des précipitations plus violentes ont été observées dans certaines zones, alors qu’un assèchement a été observé dans les régions déjà arides. Selon les scénarios, les modèles climatiques prévoient une augmentation de la température globale de 1.1 à 6.4°C. Cette augmentation variera fortement selon les régions (atteignant +8°C dans certains endroits), elle sera beaucoup plus forte aux pôles ce qui accéléra la fonte des glaces. Elle sera par ailleurs accompagnée par une hausse des extrêmes climatiques (sécheresse, tempêtes, pluies diluviennes). Un été équivalent à la canicule de 2003 apparaîtra en France en 2100 comme un été plutôt frais. Il faut bien avoir conscience qu’une augmentation de quelques degrés en moyenne entraîne des augmentations beaucoup plus fortes pour certaines régions ou certains mois. D’autre part, la machine climatique est complexe et de nombreux effets inattendus peuvent survenir. Si on dépasse les 2°C d’augmentation, ces changements déjà irréversibles deviendront en plus imprévisibles à cause de différentes effets non linéaire : saturation ou destruction des puits naturels de carbone que sont les océans et les forêts, fonte des glaciers entraînant un emballement à la fois de l’augmentation de températures et de la hausse du niveau des mers (plus de 3 mètres) ou dégel des sols sibériens avec émission massive du méthane (GES très puissant) qui y est stocké… A ce titre, l’expression « changement climatique » est trompeuse : elle évoque une modification graduelle alors que nous sommes confrontés à un basculement brutal, dont la vitesse s’accélère.

 

La crise des ressources naturelles s’accentue aussi de jour en jour à cause d’une production irréfléchie. Entre 1930 et 1990 la production de Nickel a été multipliée par 40, celle d’aluminium par 118 et celle de chrome par 20. En 12 ans la chine a doublé sa production de phosphate. La consommation en eau a triplé depuis 1950, déjà aujourd’hui 55% des ressources d’eau accessibles en profondeur ou en surface sont utilisées dont 70% pour l’irrigation. Le pic de production de pétrole devrait être atteint en 2010 ou 2030 selon les experts[1], conduisant rapidement à des tensions à la fois politiques  et sociales. Chaque année la surface des forêts tropicales qui disparaissent est égale en surface à la moitié du territoire Français (les estimations varient entre 60 000 km² à 410 000 km²). Les ressources alimentaires sont aussi menacées. Dans de nombreux pays du sud, les structures agricoles traditionnelles ont été déstructurées par les politiques de l’OMC et du FMI qui ont favorisées des grandes monocultures d’exportation au dépend de l’agriculture vivrière. Le nombre de malnutris chroniques est de 852 millions[2], les récentes émeutes de la faim montrent que de plus en plus de populations pauvres n’accèdent plus aux denrées de base. Enfin la sur-pêche menace de nombreuses espèces de poissons, en 50 ans le tonnage des pêches a été multiplié par 5.

 

La crise de la biodiversité est le troisième élément de la crise écologique, elle est due à une disparition des habitats : selon l’UICN (l’Union Internationale pour la Conservation de la nature), la faune sauvage en Afrique a perdu 60,3 % des forêts humides de son habitat d’origine; 59,2 % des savanes et des steppes; 58,4 % des forêts sèches ; 55,4 % des mangroves; 29,1 % des zones humides et 2,2 % des zones arides[3]. Les espèces disparaissent aussi à cause de la surexploitation des ressources: 34000 espèces sont inscrites sur la liste rouge de l’UICN comme étant menacées par les industries alimentaires, les industries du bois et l’industrie pharmaceutique. Selon la FAO, 75 % de la diversité génétique des plantes cultivées a été rayé de la carte, à cause des contraintes du marché et du poids des grands semenciers (Monsanto). 5000 à 25000 espèces disparaissent chaque année en Amazonie. La vitesse d’extinction est 100 à 1000 fois supérieure que celle qui prévalue lors des grandes extinctions (notamment celle qui a entraîné l’extinction des dinosaures). Outre les extinctions, les effectifs de beaucoup de populations naturelles diminuent, certaines espèces sans disparaître sont donc très fragilisées et on assiste ainsi à une diminution de la diversité génétique encore plus importante que celle la diversité spécifique (nombre d’espèces).

 

Enfin nous connaissons une pollution globale qui met en danger la santé humaine. L’activité industrielle et les transports entraînent une pollution de l’atmosphère, du sol et des eaux océaniques ou continentales. Les conséquences sur la santé sont dramatiques : entre 1950 et 1988, le taux de cancers aux USA a augmenté de 43.5% tuant 985 000 américains en 1988, 150 000 en France chaque année. Les 70 000 produits chimiques disséminés dans notre environnement et l’augmentation globale des pollutions n’y sont pas étrangers. La liste est longue : métaux lourds, hydrocarbures, amiante, mercure, PCB, DDT, nitrates, pesticides, ozone, sulfures, dioxines, éléments radioactifs divers due à l’industrie nucléaire (extraction de l’uranium, transport, enrichissement, maintenance des centrales, fuite et déchets), etc. Ces pollutions touchent tous le monde à travers les aliments que l’on mange, l’air que l’on respire et l’eau que l’on boit, mais l’action est surtout dramatique pour les travailleurs qui y sont exposés en permanence.

 

Conclusion

 

Toutes ces facettes sont intimement liées. Une même usine utilise des ressources naturelles, pollue l’eau, détruit la faune des rivières et émet des gaz à effet de serre. Ne voir qu’un problème sans examiner en même temps les autres c’est perdre de vue la globalité de la question. Or la focalisation actuelle sur la seule question des changements climatiques est dangereuse car des solutions idées destinées à répondre à la seule crise climatique peuvent avoir des effets désastreuses sur d’autres aspects. Par exemple, certes la forêt stocke du carbone, mais privatiser les forêts tropicales et y planter des essences à croissance rapide serait une catastrophe pour la biodiversité, le cycle ou les habitants pour un bénéfice plus que douteux à court terme.

 

Voilà pour un petit bilan sur l’état réel de la planète, deux sites sont très utiles :

http://www.ipcc.ch/home_languages_main_french.htm

http://www.millenniumassessment.org/fr/index.aspx

 

[1] Babusiaux D., Bauquis, P.R. (2005). Anticiper la fin du pétrole. . Le Monde Diplomatique (Jan.)

[2] Berthelo. J. (2005). Plutôt que le protectionnisme, la souveraineté alimentaire. Le Monde Diplomatique (Dec.)

[3] Zechini. A.  (1998). La nature en sursis. Le Monde Diplomatique (Oct.)

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