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Explication de vote sur la loi « mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat »

Ce matin à 6h après une nuit de débats, la loi intitulée “Mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat” a été adoptée en première lecture. Le groupe LFI-NUPES a voté contre. Je reviens ici sur les raisons de ce vote.

La situation sociale est grave. L’INSEE a révélé que sur un an les prix avaient augmenté de 5,8% en juin 2022. Sur la même période, selon le Magazine « Que Choisir », la hausse atteint 24% pour l’essence, 28% pour le gaz et 7% pour l’alimentaire. Pour le seul premier trimestre 2022, les loyers onti augmenté de 2,48%. Ces hausses frappent encore plus les ménages modestes, qui allouent près de 50% de leurs revenus au loyer. Ces hausses conduisent à de nombreuses luttes sur les salaires en France (SNCF, Transavia, Golden Tulip) et en Europe (poste britannique).

Mais la situation récente a aussi été marquée par deux canicules exceptionnelles qui ont conduit à des mégas feux détruisant près de 20 000 hectares de forêts dans les Landes. Comment ne pas voir les conséquences désastreuses du changement climatique et l’urgence de sortir des énergies fossiles ?

Or cette loi, mal rédigée, faite de bric et de broc, ne répond en rien aux enjeux de la période et le gouvernement a refusé la plupart des amendements qui auraient pu en améliorer le contenu. D’une part, la loi ne compense pas la perte de la valeur de nos revenus avec l’inflation ; d’autre part elle aggrave les émissions de gaz à effet de serre avec l’importation de gaz de schiste américains et la relance d’une centrale à charbon. 

Entrons dans les détails. L’article 1 prévoit l’augmentation du plafond de la prime dite Macron. Cette prime défiscalisée peut être versée par les entreprises aux salariés. Cette mesure pose plusieurs problèmes. D’abord, elle ne bénéficiera pas à tous les salariés, mais seulement ceux qui sont dans des entreprises qui ont les moyens et la volonté de la verser. En 2021, 4 millions de personnes l’ont touchée sur 25 millions de salariés (soit 16%) et le montant moyen versé était de 506 euros en moyenne, bien en deçà du plafond de 1000€. Rien n’indique que l’augmentation du plafond changera dans les mêmes proportions l’augmentation des versements. Mais surtout des primes versées annuellement et sans aucune garantie ne constituent pas une solution pour des millions de citoyens pour payer chaque mois l’essence et l’alimentation ou pour avoir une garantie pour un bailleur. Pire, les entreprises qui ont des marges importantes pourront verser cette prime défiscalisée en lieu et place d’une augmentation de salaires. C’est donc possiblement un frein à de vraies augmentations de salaires. Or comme ces primes sont défiscalisées, c’est un manque à gagner de cotisations pour la sécurité sociale, ce qui risque de peser notamment sur le système de  retraites.

Dans la même veine, le gouvernement a décidé avec l’article 2 de faciliter l’intéressement. L’intéressement dépend des profits de l’entreprise et il est prioritairement versé sur des plans d’épargne salariale défiscalisés. C’est encore un moyen d’éviter les hausses de salaires en proposant des alternatives défiscalisées et irrégulières. Actuellement, les exonérations de cotisations sur les diverses formes d’intéressement coûtent 1,7 Md€ par an. C’est donc une mauvaise solution pour le pouvoir d’achat, comme pour notre modèle social.

Le reste des articles présente quelques avancées même si elles sont souvent largement insuffisantes. L’article 4 vise à limiter le nombre de branches professionnelles pour lesquelles les minima sont en dessous du SMIC, par exemple en fusionnant les branches. Selon nous, il aurait été préférable de conditionner des aides publiques au fait d’avoir des minima de branche au-dessus du SMIC. Nous avons proposé de porter le SMIC à 1500€ net. Sans succès, car le bloc de droite LR, RN et LREM a voté contre ! 

L’article 5 prévoit une revalorisation anticipée de 4 % à partir de juillet des droits et prestations sociales indexés sur l’inflation. Mais cette revalorisation est insuffisante vue l’inflation. L’article 6 prévoit la revalorisation anticipée des APL à hauteur de 3,5 % et le plafonnement de l’indice de référence des loyers à 3,5 % jusqu’au deuxième trimestre 2023. C’est notoirement insuffisant. Par exemple, pour un loyer de 600 euros et des APL de 200 euros, l’augmentation de 3,5 % des deux se traduit par un maigre gain de 7 euros d’APL et 21 euros de loyer supplémentaire, soit 168 euros de perte annuelle. Nous avons proposé le gel des loyers.  Sans succès, car le bloc de droite LR, RN et LREM a voté contre !

L’article 7 oblige les vendeurs en ligne à garantir au consommateur un “accès facile, direct et permanent à une fonctionnalité dédiée” à la résiliation du contrat conclu et à lui indiquer clairement la date de la fin du contrat lorsque le consommateur décide de résilier le contrat. LREM s’est opposé à l’extension de cette obligation à plus de secteurs. L’article 8 concerne la même garantie pour les assurances. 

Pour tous ces articles, le débat a été entre d’un côté ceux qui proposaient des primes (LREM, LR, et RN) et de l’autre ceux (la NUPES dans sa diversité) qui exigeaient la hausse générale des salaires, leur indexation sur l’inflation étant la seule mesure permettant de garantir en réalité la valeur de nos salaires et donc de notre travail. 

L’inflation actuelle n’est pas causée par la seule guerre en Ukraine ou par une augmentation des salaires, elle est causée aussi (et surtout) par l’explosion des dividendes des entreprises, qui alimentent la spéculation dans de nombreux secteurs et des blocages dans les chaînes d’approvisionnement mondiales suite au COVID. C’est le chaos capitaliste qui génère actuellement l’inflation et sûrement pas nos salaires. Choisir la hausse des salaires plutôt que des primes défiscalisées ou de l’intéressement, c’est contraindre les entreprises à réajuster la répartition de la valeur ajoutée entre les salaires et les dividendes. Rappelons que les entreprises du CAC40 ont versé 80 milliards d’euros en dividendes à leurs actionnaires en 2021, soit l’équivalent de 3200€ par salarié français… 

Mais ce texte en plus d’être largement insuffisant pour contrer la paupérisation des salariés, présente des dispositions nocives pour l’environnement et le climat. Afin de sécuriser l’approvisionnement énergétique, l’article 13 prévoit que le ministre chargé de l’énergie puisse obliger l’opérateur d’un terminal méthanier flottant à le maintenir en exploitation pour la durée fixée par ce ministre et l’article 14 la construction d’un terminal flottant d’importation de gaz naturel liquéfié (gaz de schiste américain) au Havre. L’article 15 permet aux exploitants de centrales à charbon de recourir “en cas de reprise temporaire d’activité” à des CDD et des contrats de mission pour leurs recrutements, notamment en faisant revenir les salariés en cours de reclassement suite à la fermeture initiale. Par dérogation au droit du travail, la durée des CDD ainsi conclus peut atteindre 36 mois au lieu de 18. Enfin, l’article 19 prévoit la validation du décret du 11 mars 2022 qui oblige EDF à vendre plus d’énergie à prix cassé à ses concurrents, pour l’année 2022 et ce “à titre exceptionnel”. Bref, comme le gouvernement a été incapable d’organiser la transition énergétique, il est obligé de relancer l’exploitation et l’usage d’énergies fossiles, à cause des risques liés à la crise en Ukraine. Le principal problème de cette approche, c’est qu’à aucun moment le gouvernement ne planifie la sortie des énergies fossiles de façon conséquente en développant les transports en commun, la rénovation des logements et le développement des énergies renouvelables. Pire, le dernier article menace la survie de notre opérateur historique EDF en le contraignant à revendre à perte de l’électricité à ses concurrents. 

Sur les questions écologiques, comme sur les articles sur le pouvoir d’achat, le même bloc LR, LREM et RN s’est opposé aux amendements proposant d’autres solutions, ou à minima limitant dans le temps le recours aux énergies fossiles.

Pour toutes ces raisons, il était inconcevable de voter une telle loi climaticide et organisant la perte de notre pouvoir d’achat et donc de pouvoir de vivre de nos concitoyens. Il est nécessaire maintenant que les salariés se battent partout par la grève et les manifestations pour obtenir de leurs dirigeants les augmentations de salaires que le gouvernement et ses alliés de LR et du RN ont refusé de leur donner.